Lors de sa traversée sur les cours d’eau d’Europe, Christophe Gruault réalise deux types de prélèvements pour les scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle. Le premier, permettra de mesurer le niveau de pollution des cours d’eau (de simples bouteilles d’eau en verre sont remplies et envoyées à l’équipe de Jean-Baptiste Fini). L’autre, plus complexe, permettra à l’équipe de Vincent Prié d’identifier la biodiversité des rivières, grâce à l’analyse de l’ADN environnemental (ADNe). Zoom sur cette technique, en 3 questions.
1. C’est quoi l’ADNe ?
C’est une méthode génétique qui utilise les traces d’ADN laissées dans l’environnement par tous les organismes vivants via leurs urines, leurs salives, leurs mucus… A partir d’un simple prélèvement d’eau, il est possible de déterminer qui vit dans les parages ! Et de donner un ordre de grandeur relatif de l’espèce identifiée (population petite, moyenne ou grosse). Cette technique non invasive permet de faire une photographie de la biodiversité d’un cours d’eau en un temps record. A titre d’exemple, dans le cadre d’un projet d’inventaire de la biodiversité de l’intégralité du Rhône mené par Spygen, une centaine d’échantillons prélevés sur 3 mois ont apporté des résultats équivalents à 10 ans de pêche classique.
2. Comment sont réalisés les prélèvements ?
Partenaire de l’expédition, le laboratoire Spygen, spécialisé dans l’inventaire de la biodiversité aquatique et terrestre grâce à l’ADN environnemental (ADNe), a fourni à Christophe et à l’équipe pédagogique deux types de kits :
- Le kit standard : 2 litres d’eau sont prélevés à différent endroit de la rivière, avec une louche de 100ml, puis injectés à l’aide d’une grosse seringue dans un filtre qui piège les fragments d’ADN. C’est, entre autre, ce protocole qui est utilisé en sciences participatives avec les élèves. Il est simple à mettre en place, permettant d’effectuer des points de prélèvements sur l’ensemble du parcours, mais moins précis, puisque la quantité d’eau filtrée est restreinte. 38 prélèvements de ce type sont prévus au cours de l’expédition.
- Le kit haute précision : l’utilisation d’une pompe permet de filtrer 30 litres d’eau qui sont rejetés immédiatement dans la rivière. Ce protocole est plus contraignant : il nécessite 3h de formation, dure approximativement 1 heure dont 30 mn de filtration et implique un minimum de 2 points de prélèvements sur une même zone – 6 dans le cadre de cette expédition -, afin d’avoir l’ensemble des écosystèmes sur un lieu donné. Il est réservé à des zones à fort enjeu environnemental (en amont et en aval d’un barrage ; à la confluence de deux cours d’eau…). La quantité d’ADN récoltée étant plus importante, la probabilité de trouver des espèces rares est plus élevée. 16 prélèvements de ce type sont prévus au cours de l’expédition.
Pourquoi ça saute ? Dans les vidéos de Christophe, on voit qu’il arrive parfois que le tuyau de la pompe se déconnecte en cours de prélèvement. Le filtre capte tout ce qui est d’une taille supérieur à 0,45 Micron, soit 0,00045 mm (pour information, la taille d’un cheveu est de 70 Microns). Il arrive qu’il se bouche même dans une eau d’apparence cristalline. Dès lors que le tuyau saute, il est reporté sur la fiche de prélèvement le temps de filtrage avant le « POP ! » puis la procédure continue à vitesse réduite.
3. Quelle est la durée de vie des échantillons ?
Une fois le prélèvement effectué, un tampon de conservation est ajouté dans le filtre afin de maintenir l’intégrité de l’ADN et de faciliter ensuite l’extraction en labo. Les échantillons peuvent être conservés ainsi plus de 6 mois sans problème de dégradation et quel que soit le climat (pays chaud ou froid). Dans la nature en revanche, la durée de vie de l’ADN est de 15 jours – 3 semaines. Sensible au PH, aux UV, à la température, il se dégrade en morceaux de plus en plus petits, dès qu’il est libéré.
Il faut 3 mois pour analyser les échantillons. Rendez-vous donc à l’automne prochain pour connaître le nom des espèces invisibles croisées par Christophe !
Voir la vidéo des prélèvements ici
Photos : M. Lundgren (x4) / C. Gruault (x1 pompe) Texte : M. Dormoy